L’harmonie interne

« Rien ne devrait être aussi stable que ce qui sert de mesure à tout le monde. »
(Montesquieu)

 

Il y a une imbrication complexe entre l’individu et son environnement dont il est impliquant, à défaut d’en être déterminant. L’adhésion par la motivation est essentielle. Que ce soit au plan professionnel ou aux autres plans privés qui place l’individu dans des contextes collectifs, force est de constater qu’actuellement, seuls « les éléments matériels » sont véritablement pris en compte. Ils constituent cependant une infime minorité dans l’univers de l’Homme. Certes, on parle beaucoup psychologie, sociologie… de la solitude. Mais d’en parler ne conduit pas nécessairement à la décision et à l’action, sinon au coup par coup. Surtout on n’en mesure jamais l’implication profonde, sinon un peu au plan collectif mais jamais au niveau individuel. Or seule une mesure systématique, intégrée dans les systèmes de mesure officiels en temps réel (en rectifiant les dysfonctionnements) permet de mettre l’individu au sein du groupe et de lui permettre d’y intervenir, de prendre ses responsabilités. Dès lors, il a conscience d’en faire pleinement partie : sinon il reste en dehors du système et reste à son statut d’assisté.

Cette partie immatérielle est la parente pauvre des systèmes de mesure actuels. Sans prétendre à l’exhaustivité, je n’évoquerai que cinq expériences personnelles dans ce secteur :

l’expertise et le management

la délégation

Un exemple de remobilisation dans les années 80

le partenariat «Galia» dans la fabrication du produit automobile

la traçabilité

Un grand chantier,  à inaugurer pour le siècle qui commence, consiste à mettre en perspective tous les éléments, matériels et immatériels. 

Il faut les intégrer dans une analyse globale qui doit tendre à l’harmonie dans tout secteur homogène, « l’ensemble autonome », ce qui est le seul avenir pour les forces en présence.  

Il est impératif d’introduire dans la comptabilité analytique ces éléments hors coût qui sont désormais incontournables car décisifs.

L’expertise et le management

«On était parti de l’idée absurde qu’un peuple est savant quand tout le monde y sait les mêmes choses».
(Anatole France)

Point n’est besoin d’insister sur les effets pervers de la «réunionite». Elle décharge l’individu d’une préparation personnelle (et par la même de sa part de responsabilité) et se repose sur le consensus pour afficher un accord de façade.

 

Une réunion est le lieu de prise de décision, non un forum de réflexion et de propositions.

Souvent, les désaccords sont dus au fait que l’on ne parle pas de la même chose et non que l’on n’est pas d’accord sur le fond. La préparation personnelle est autant la clarification du fond mais aussi de la forme à communiquer.

 

Si le manager est le seul à décider, c’est néanmoins à lui d’écouter l’expert et son cheminement de pensée.

Une collaboration performante entre la logique de coût et celle de gain.

 

L’avenir de l’entreprise se détermine également par son aptitude à associer en étroite symbiose deux fonctions désormais fondamentales et concomitantes, la capacité à innover et celle à gérer. L’innovation constitue le vecteur du futur de l’entreprise. Mais la gestion  en reste l’élément essentiel de survie. La première maximise les valeurs potentielles,  la deuxième minimise les coûts existants.

Actuellement, il y a un monde entre ces deux approches. Or elles doivent être nettement séparées dans le système d’information et dans les esprits pour qu’il n’y ait pas de confusion, et cependant doivent communiquer en permanence. Une organisation qui respecte les domaines et prérogatives de chacun doit donc être conçue. L’harmonie passe par une clarification authentique dans les relations et les missions. Ces deux mondes ne fonctionnent pas de la même façon; aussi les organisations ne peuvent être imbriquées. C’est le problème qui se pose actuellement, la logique de coût apparaissant comme prioritaire surtout en ce moment de crise. Or le gain global ne se réduit pas uniquement à l’un de ses facteurs.

L’EXPERTISE ou CONCEPTION de PROJET

 

Un pôle d’expertise interne est vital dans le domaine sensible de la vie de toute organisation. Il est exclu que cette fonction d’expertise qui conditionne l’avenir (c’est un investissement) et son mode de communication interne et externe, soit conduit par une force intellectuelle extérieure. S’il y a un domaine que l’on ne peut ni doit déléguer c’est ce type de mission. Or on constate que cela n’est pas toujours le cas….

 

Reconnaître un rôle d’expert dérange, car alors, on ne peut le situer. Il faut bien distinguer ici le rôle de l’expert de celui du spécialiste : ce dernier exploite un champ reconnu, le premier explore. Le spécialiste raisonne, l’expert sent. Ce dernier sait s’échapper de sa technique: il raisonne en terme de culture..

 

Il faut reconnaître à l’expertise un champ de liberté personnel, dans l’espace et dans le temps,  propre à lui permettre d’exploiter ses capacités. Il est désormais à l’origine de la valeur ajoutée potentielle de l’entreprise, à la source de son avenir.

 

Asseoir l’innovation à l’intérieur de l’entreprise, c’est lui reconnaître officiellement :

une mission principale 

une latitude d’initiative clairement exprimée 

un pouvoir d’investigation reconnu 

sa reconnaissance dans la collectivité d’entreprise 

l’obligation de rendre compte objectivement sur sa mission (à ce titre, il est intégré) 

un jugement extérieur (avec beaucoup de précautions) sur son degré d’utilité globale

avoir une mission claire       

connaître ses contraintes       

avoir le pouvoir de décision sur ses délégations       

prendre des décisions de compromis       

gérer les ressources humaines en consensus       

rendre compte objectivement sur sa mission       

être jugé sur sa délégation

ORGANISATION DES RELATIONS

 

On trouvera ci-dessous une proposition de structure hiérarchique des deux fonctions.

Un expert assiste le manager du même niveau pour définir le contour de sa responsabilité opérationnelle.

Il a autorité pour faire respecter, dans les niveaux inférieurs, les points décidés au-dessus, aux plans «expertise» et «management».

La délégation

«Servir, c’est la devise de tous ceux qui aiment commander.» (Jean Giraudoux)

Il existe à ce jour de nombreuses méthodes pour organiser ce non-quantifiable. Certaines ont pour nous l’inconvénient de vouloir soumettre l’individu à des canons extérieurs et c’est la raison pour laquelle nous ne les retiendrons pas dans ce chapitre.

Décider face à la complexité est un pari difficile à atteindre. La Méthode de hiérarchie multicritère que j’ai utilisée donne actuellement d’excellents résultats et permet, tout en focalisant la priorité sur la solution retenue et l’efficacité de la mise en oeuvre, de résoudre au mieux des intérêts, certains problèmes de marginalisation. Ce n’est en aucun cas, ni dans l’esprit ni dans l’application, un système expert.

 

La démarche suggérée est la séparation dans les responsabilités entre celui qui délègue et celui à qui on a délégué. Dans un premier temps, le responsable définit le cadre du projet, les points sur lequel il doit être mesuré. Il assume les définitions qu’il donne au projet, et la personne à qui il a délégué cette tâche. Cette dernière, si elle adhère à cette délégation et après discussion des moyens, a quant à elle la responsabilité de mener à bien cette mission. Le contrôle du bon aboutissement du projet est donc partagé sans recouvrement.

La participation à une oeuvre collective, à la condition qu’elle soit bien identifiée, valorise l’être individuel ainsi responsabilisé.

 

La pratique de la délégation est actuellement particulièrement dévoyée : on ne décentralise pas, on déconcentre, c’est-à-dire que la maîtrise du processus dans ses moindres détails reste toujours dans les mains de celui qui délègue, alors qu’il faut constater que le lampiste a toujours le « beau rôle » en cas de dysfonctionnement.

 

Lire et relire l’ouvrage  « Manager Minute« , de Kenneth Blanchard et Spencer Johnson, n’est pas perte de temps. Il y pose bien le problème de la délégation et de la bonne utilisation de son temps. Notre propos, ici, n’est pas de redéfinir ce concept mais de le mesurer, et ce qui est nouveau, de l’introduire dans la mesure comptable.

 

La démarche consiste à bien définir le contrat qui liera les deux parties, à le mesurer dans ses implications internes et externes et à laisser à chaque partie sa part de responsabilité sans recouvrement :        

-à celui qui délègue revient le rôle de définir le contrat, d’en préciser les contours, de mettre en place (et non seulement évoquer ) les moyens adéquats mis à disposition, de choisir le responsable à qui on délègue, et de contrôler in fine les conditions d’aboutissement du contrat.        

-celui à qui on a délégué doit mener à bonne fin le contrat aux moindres frais dans le cadre des moyens adéquats qui lui ont été confiés. Il s’agit là d’un axe de coût exclusivement. S’il prend des initiatives en dehors du contrat, celles-ci sont alors entièrement  responsabilisées et sanctionnées comme telles par celui qui les a prises.

 

Il faut bien comprendre que « déléguer » ne doit pas être un moyen de se décharger d’un travail embêtant ou d’une responsabilité. Ce doit être l’occasion de faire réaliser par plus compétent que soi-même, sur tel ou tel point, une action dans de meilleures conditions. De plus l’avantage est, pour le responsable surchargé, de gagner du temps afin qu’il puisse le consacrer à des actions de sa compétence.

 

Comme on le voit, il y a deux concepts concomitants dans un ensemble autonome au service du contrat de délégation. Ils forment l’ossature comptable de l’ensemble autonome.

 

C’est parce que souvent la délégation est floue que les choses dégénèrent et qu’il est impossible de « responsabiliser les responsables  » : des exemples en économie, en politique et dans la vie courante notamment, sont patents de cette carence.

 

Ses principaux domaines d’application.

Tout décideur à son niveau doit intégrer nombre de paramètres qu’il n’a pas toujours le temps de formaliser. Les secteurs opérationnels utilisent avec succès cette démarche pour résoudre des problèmes décisionnels souvent complexes.  

 

-Solutions alternatives : grâce à la formalisation et à l’estimation des paramètres, il est possible de faire rapidement un choix complexe entre plusieurs solutions identifiées.          

-Répartition des ressources : à partir d’un budget ou d’une contrainte incontournable, on doit répartir les ressources au mieux des intérêts des partenaires.          

-Constitution d’une échelle d’évaluation : en tenant compte des situations réelles ou potentielles, le problème est d’établir une échelle de mesure significative avec l’adhésion des intéressés. (exemple une grille de salaires).          

-Décision dans le cas de multiplicité de scénarios de nature différente : par des approches systémiques successives, il est possible de comparer des situations, puis de choisir entre plusieurs scénarios         

-Formalisation progressive d’un scénario

Un exemple de re-mobilisation dans les années 80 à Sollac

« Faites leur construire une cathédrale et ils s’aimeront…. »
Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)

L’entreprise est-elle condamnée à continuer à réduire ses coûts, sans pour autant augmenter sa valeur ?

 

Tout en développant aujourd’hui des techniques modernes propres à améliorer la productivité, l’entreprise n’a pas revu au fond son fonctionnement. Face à la pression de la concurrence et aux vicissitudes de conjonctures, elle n’a trouvé de solution que dans la réduction des coûts de production, souvent sans réflexion à long terme (délocalisations) et dans la croyance que le salut (la valeur) se trouve à l’extérieur (le marché). De ce fait elle s’est appauvrie de sa force naturelle, celle de sa structure interne qui avait fait sa prospérité. En continuant cette logique, elle ira à la catastrophe…

Comment sauvegarder ce joyau d’entreprise qui est sa force de production et celle de vente ?

 

La solution est dans le renversement du paradigme.

A l’intérieur d’un ensemble autonome il n’y a que de la valeur (le travail des salariés et l’investissement des propriétaires du capital).

La réduction des coûts doit rester une ardente obligation pour survivre, mais elle doit se conjuguer avec la préservation, l’augmentation de sa valeur interne qui est son avenir.

L’objectif d’optimisation de l’ensemble autonome réside dans les restructurations de chaque sous-ensemble responsable pour augmenter sa valeur globale. Le concept de la responsabilité individuelle de l’ensemble autonome consiste à revoir son fonctionnement dans ses relations avec les autres, car il faut partir du fait que chaque cellule de cet ensemble fonctionne a priori correctement. Mais c’est dans le défaut de synergie des réseaux de communication que se trouve la cause des dysfonctionnements, non dans leur structure elle-même.

 

Il y aura bientôt 30 ans qu’une société « en faillite », la Sollac, a su redresser la tête pour redevenir un fleuron de l’industrie qui manque cruellement aujourd’hui à la France. Le laxisme qui s’en est suivi a détruit cette grande espérance en qui beaucoup avaient consacré leur carrière. 

 

Donner toujours et en permanence la priorité au projet sur les organisations

La méthode à appliquer, qui a motivé les acteurs de la base au sommet, se décline en deux phases.

-Dans un premier temps, chaque cellule responsable identifie sa délégation, et propose de supprimer de son champ d’action les missions qui ne relèvent pas de celle-ci. Elle élimine de fait un coût pour elle inutile compte tenu de sa fonction. Le problème en effet réside dans l’accumulation d’activités secondaires dont le seul but était de consolider un pouvoir, de créer une citadelle. Elles s’interpénètrent et se neutralisent au grand dam de la collectivité. Il faut donc les faire éclater pour retrouver la synergie d’ensemble recherchée.

-Ensuite, une fois le tri effectué, au niveau de synthèse, on élimine les missions inutiles ou superflues en se recentrant sur son métier. Pour celles à conserver et qui chevauchent plusieurs cellules, on réorganise en optimisant leur implantation.

Cette approche mobilise les acteurs dans une dynamique non frustrante car elle ne s’attaque pas à l’individu mais au défaut de communication. La solution du problème est d’ordre collectif et non individuel mais on fait appel à la responsabilité de chacun pour résoudre le problème de tous. Sans détruire la structure ni le fonctionnement interne de chaque cellule, le gain global en valeur et surtout en efficacité est à la source de la conquête de l’harmonie de la vie d’entreprise. Les pratiques de qualité totale qui ont été activées à la suite de cette première initiative sont alors à même de produire tous leurs effets en aval.

Le « partenariat Galia » dans la fabrication du produit automobile

Il s’agit en France d’une grande première, créée en 1984. À l’initiative des grands groupes automobiles français, pressés comme tous ses autres concurrents européens (ODETTE) et américains (AIAG) par une concurrence des japonais et des quatre dragons asiatiques, ils ont dû réagir. En danger de mort, ils ont regroupé autour d’eux fournisseurs, clients et sous-traitants pour optimiser les rapports entre process de fabrication.

 

Au départ conçu comme une seule action de rationalisation des échanges clients-fournisseurs, emballages, transports, … GALIA s’est lancé dans la normalisation des échanges (EDI) en intervenant dans EDIFRANCE et l’AFNOR.

 

Vice-président fondateur de GALIA, vice-président du groupe de cohérence intersectorielle et président du groupe traçabilité d’EDIFRANCE, en liaison étroite avec AFNOR,  j’ai été mandaté par Sollac, puis Usinor-Sacilor pour œuvrer dans cette démarche qui concernait au premier point, les clients de la sidérurgie. J’ai donc été à même de participer dans mon groupe et dans les usines au développement d’un partenariat authentique et de la qualité totale.

 

L’idée centrale  de cette association inter-professionnelle (les sous-traitants et fournisseurs travaillant dans d’autres secteurs) était de transmettre en un seul langage les instructions de dialogue entre tous les participants du «produit automobile». Grâce à l’EDI,  en automatisant les processus successifs depuis le fournisseur le plus en amont jusqu’aux chaînes de montage en passant par la masse des sous-traitants, ce fut sur ce point une réussite. Cela a donné lieu notamment à la mise en place en temps réel des messages d’expression de besoins et d’avis d’expédition.

 

Ce partenariat s’est étendu à une partie de la logistique commune, normalisation des emballages par exemple, et d’une simple transmission de données il est devenu une association dont le but affiché est d’optimiser toutes les relations industrielles dans un partenariat exemplaire.

 

Mais l’ingérence du commercial dans le secteur industriel a généré une dérive qui met en péril les sous-traitants. La pression des donneurs d’ordre a été dès le début une révolution nécessaire mais traumatisante, sur les coûts et sur la remise en cause de leur organisation. À mon sens l’économie globale, ainsi réalisée aurait dû être répartie, en toute équité, entre tous les participants. Or, seuls les groupes automobiles en ont bénéficié. Cela a permis à l’automobile de sortir temporairement du gouffre, mais a tué l’esprit de partenariat, seul générateur de gain global à terme.

 

Ainsi, les choix stratégiques des donneurs d’ordre automobiles ont mis en grande difficulté des pans entiers de l’économie, les sous-traitants travaillant également pour d’autres secteurs, électroménager, métallurgie, outillage et mécanismes de précision. Des régions entières sont actuellement sinistrées à cause de décisions égoïstes de secteurs dominants au détriment en particulier des PME..

 

Si la pratique utile du partenariat doit subsister, il importe que l’équité soit au mieux respectée entre les parties co-contractantes. Sinon, la logique commerciale prendra le pas sur la logique économique au point de devenir la seule dimension des rapports inter-entreprises. Il est donc essentiel qu’au sommet, une prise de conscience existe pour séparer ce qui relève de la négociation de cession d’un produit de ce qui est une tentative de mise en commun de potentiels qui doivent trouver pour chacun leur juste rémunération et permettre d’envisager ensemble l’avenir. La répartition des efforts communs doit donc être à la base de tout partenariat.

 

Le cas des normes ISO 9000 de l’Assurance Qualité est différent. Il s’agissait là d’une incitation régalienne et non partenariale à l’amélioration interne des entreprises, décidée par un organisme paritaire quant à la décision, et dont la sanction est une meilleure vitrine commerciale pour les intéressés. Elle a profité à tous dans une économie mondialisée, en recherche de qualité. Mais si le projet est estimable et efficace, les modalités de détermination de la norme sont pour le moins contestables. En effet, les membres de commissions habilités se limitaient souvent à des spécialistes de normes, sans beaucoup d’expérience industrielle. De plus, ces « experts » proviennent essentiellement de grosses sociétés qui ont les moyens et de sociétés de service à l’affut d’un contrat. Les petites entreprises, les plus nombreuses et les plus fragiles, en sont pratiquement exclues et cela nuit à l’adhésion de tous sur ce sujet essentiel pour leur activité.

La traçabilité

«Le jaune et le rouge mélangés produisent une autre couleur.»
(Proverbe tibétain)

Ce point a fait l’objet d’études et de propositions au sein d’Edifrance dont j’ai assumé la vice-présidence du groupe de cohérence intersectorielle ou j’ai créé et présidé le groupe « traçabilité ». Au sein de cette dernière, nous avons produit un rapport «traçabilité : concepts et mise en œuvre» qui a été repris dans le cadre officiel de l’AFNOR en 1994. Le but de ce travail est d’automatiser la traçabilité tout au long de la vie du produit ou de la prestation. Les propositions concrètes relèvent de la même logique que celle évoquée tout au long de ce site : mesure et cohérence. Le résumé conceptuel et les propositions afférentes sont décrits dans mes deux ouvrages, dès janvier 1993. On peut en évoquer ici les caractéristiques principales.

         

La séparation entre les flux physiques et le flux d’information

Nous ne sommes jamais en contact avec la matérialité des objets ou la réalité des concepts: nous n’en saisissons qu’une image, non leur globalité. Les flux physiques nous sont donc structurellement extérieurs et concernent les produits, matières premières et énergie. Les mouvements monétaires et toute prestation en font partie également, même s’ils ne sont pas strictement « matériels ». Les flux d’information, eux concernent l’image que l’on se fait de ces flux physiques, les modèles conceptuels de leur représentation et de celle de leur fonctionnement. Tout processus automatique ne travaille que sur les flux d’information.

L’indépendance des flux ne peut être envisagée que si il y a une liaison constante entre eux. Dans le secteur économique, tout au long du processus, de la fabrication à la mise sur marché en passant par les transports et la manutention, il est inutile, voire pervers, de vouloir indiquer « toutes les données » sur l’étiquette ou un support attaché ; les erreurs, on le sait, sont fréquentes et les informations qui nous seraient utiles souvent absentes ou «orientées». Il est plus simple d’avoir un système central d’information audité, et prêter au client, à l’entrée du magasin ou à disposition par portable, un récepteur consultable à volonté.

Il suffit de faire le lien constant par un numéro unique entre le produit individualisé et les données, constituées peu à peu depuis le début, stockées dans la base de données : gain global, pour le client qui est assuré d’un vraie traçabilité et pour le fournisseur qui se trouve dégagé de l’étiquetage et autres servitudes. La séparation entre «réclame ou promotion» et «données» qui sont exclusivement contractuelles, donc normées, est acquise sans ambiguïté pour le consommateur qui ne retrouvera sur l’emballage que des «informations à l’initiative du prestataire direct».

 

 

L’Échange de Données Intégré valide la chaîne d’élaboration en continu. Chaque fournisseur ou prestataire de service (ex. transport)  communique au fur et à mesure au client, en même temps que le produit, toutes les données utiles pour garantir une traçabilité correcte. Il est ainsi juridiquement engagé.

La traçabilité est assurée par le contrôle de l’adéquation entre l’expression des besoins (la commande) et la livraison (avis d’expédition). En cas de litige, il est facile de remonter automatiquement à l’origine du dysfonctionnement et laisser les services habilités d’en établir les responsabilités et les modalités de réparation.

 

La normalisation se fait au plan de la donnée, non de l’information sur le produit. Ce processus étant cohérent tout au long de la chaîne, la traçabilité est ainsi totalement assurée. En outre, la rigidité de normalisation sur les produits, régie par les autorités nationales et européennes, devient inutile, la traçabilité n’étant pas « un label », aspect par ailleurs important. L’indépendance des concepts favorise la clarté des informations, leur précision et la réactivité des organisations. L’entreprise est enfermée si elle subit, elle a sa chance si elle précède.

Les principes d’application de la traçabilité ne peuvent reposer, dans une optique de pratique systématique, que sur le principe de l’indépendance des patrimoines, définis par la comptabilité générale. Le partenariat joue sur une synergie des gestions internes (comptabilité analytique), en aucun cas sur les patrimoines.