Changer de paradigme

pour que le navire ne sombre pas

 Pour aider à la réflexion

 

Une réflexion sur l’éducation aux USA doit nous amener à revoir aussi notre mode de pensée et d’action dans les domaines économique et social. Il y a urgence…

Repenser la démocratie à l’aube du XXIème siècle

Nous vivons dans la nostalgie du «siècle des Lumières», des révolutions françaises, des mythes qui sont aujourd’hui remis en cause par la mondialisation.
Forts de notre supériorité, nous avons à cœur de transmettre, voire imposer, nos idées d’émancipation, à des civilisations qui ont autant le droit de vivre avec les leurs que nous avec les nôtres.
Les droits de l’Homme et du citoyen dont nous sommes si fiers est une aspiration, un «guide spirituel» pour nous autres occidentaux afin de pérenniser notre culture, notre société. Nous avons raison de vouloir les faire partager car nous y croyons. Mais le texte n’est pas inscrit dans le marbre…
Dans le difficile pari que nous avons à cœur de sacraliser – à savoir parvenir à un échange équitable et respectueux entre citoyens – nous nous référons sans cesse au concept de démocratie. Qui plus est, nous en appelons sans cesse, pour se mieux crédibiliser, aux références de nos anciens Hellènes. Arrêtons-nous un instant pour faire le parallèle et constater le grand décalage, avec ce que nous vivons et comment nous le vivons.
La démocratie grecque s’appuyait sur trois piliers :
c’était une démocratie de villes
c’était une démocratie de proximité
c’était une démocratie entre élites

 

Notre démocratie n’a plus rien à voir avec cela si ce n’est, et c’est là l’essentiel sur les valeurs qu’elle transmet. Les mécanismes sont copiés jusqu’à la caricature, non transposés en tenant compte des réalités d’aujourd’hui. Pour arriver à faire vivre ces valeurs essentielles dans un monde éclaté, mondialisé, qui se veut solidaire, avec des individus libres et égaux, il faut en revoir les mécanismes.

 

À cette vision étroite, nous devons réinventer une démocratie de masse. Ceci ne sera possible que si lui est substituée la mise en place structurelle d’une théorie des systèmes d’information adéquate, fondée sur l’autonomie et le respect des diversités. Ceci ne sera acquis que par la mise place de la neutralité des échanges, la réactivité et la transparence. C’est à partir d’une analyse de nos sociétés, de leurs pesanteurs compte-tenu de leurs ambitions, que l’on pourra passer à une vision réaliste et viable pour gérer toutes les interactions qui nous sont imposées dans ce monde éclaté

 

De même, nous devons revoir au fond notre système de communication. Avec les outils modernes dont nous disposons, internet et réseaux sociaux, le «matériel» est suffisant et ne fera que se développer. La question, et elle est de taille vu les pouvoirs et contre-pouvoirs en place, est de réfléchir sur un sain équilibre de la communication entre individus, entre collectivités et individus. Loin de vouloir brimer la technologie, les vrais rapports humains doivent y retrouver leur place à travers la lucidité et la solidarité quotidienne.

 

Enfin, la démocratie s’attache à la citoyenneté. Celle-ci n’existait en Grèce que restreinte et ne se posait aucun problème moral quant à l’oppression des ilotes. Ce monde nous est étranger mais reste patent quand il s’agit d’avoir en son sein des citoyens responsables. L’éducation et la recherche sont donc des préalables à toute tentative d’instaurer cette ardente obligation.

 

Ainsi conjugués, ces trois éléments conduisent à l’affirmation de l’autonomie de chacun. En y réfléchissant, nous parviendrons à une véritable démocratie, vivante et auto-progressive, en harmonie avec notre époque..
La démocratie s’étend au monde, inexorablement de part la volonté des individus en quête de liberté. Elle n’est plus notre propriété et doit s’affranchir des seuls canons ancestraux français. Mais chaque culture doit aller à son rythme vers son destin, en mêlant son authenticité avec ses contacts extérieurs.

 

Nous sommes entrés dans un monde de complexité universelle et seuls des outils adéquats sont en mesure de relever le défi. Or nous en sommes resté aux niveaux de réflexion du XIXème siècle, avec ses utopies, ses dogmatismes, ses craintes et ses violences frontales. Ces canons sont désormais remis en cause par les nouveaux concepts de pensée qui se sont fait jour depuis, par les pratiques de masse des nouvelles technologies et par le monde hétéroclite qui nous entoure. La mesure et l’harmonie interne sont désormais les clés de ce renouvellement. Loin d’être monolithique, l’harmonie implique la construction des accords, les principes qui les gouvernent et leurs enchainements. Quant à elle, la mesure authentifie les rapports entre éléments autonomes.Elle est l’outil indispensable et préalable à toute construction harmonieuse.

Vivre désormais l’harmonie

La révolution des idées prime sur celle des organisations. Renversons le paradigme ambiant qui consiste à vouloir prendre le dessus sur l’autre pour s’affirmer. Face à la prédominance du cartésianisme et de ses méthodes d’organisation pyramidale qui privilégie le pouvoir rationnel sur l’instinct et la liberté individuelle autonome, laissons aussi l’esprit de finesse de Pascal s’implanter «dans nos cœurs et dans nos reins». Constatons la légitimité de l’Autre, différent dans son essence et affirmons sans complexe notre identité. Ne pas dominer l’autre, mais faire avec : tout en conservant nos acquis d’érudition, entrons dans le monde du zapping.

 

L’Harmonie n’est pas le «béni-oui-oui» : c’est la prise en compte des disparités pour préparer l’action et de l’autorité pour décider et faire appliquer, avec toutes les garanties de respect pour l’autre. La démocratie moderne est certes la loi de la majorité mais aussi la préservation des droits des minorités pour qu’elles puissent continuer à se sentir à l’intérieur de la collectivité.

 

A l’instar des périodes précédentes, l’époque actuelle vit dans l’exaspération des conflits et leur solution dans la coercition. A l’inverse, une nouvelle vision dans l’harmonie peut sembler idéale mais utopique. Avec des règles du jeu totalement remises en cause, elle a pu çà et là prouver sa réalité et sa performance.

 

Entrer dans le cinquième monde

Ce qui me scandalise, ce n’est pas qu’il y ait des riches et des pauvres : c’est le gaspillage.
Mère Teresa

Dans les années 70, lors de mes engagements associatifs, j’avais eu à observer la mise en place l’émergence des concepts suivants : tiers monde, puis quart monde que le père Joseph Wresinski avait mis au jour. Je pensais que, en plus de la misère ainsi constatée dans tous ces secteurs, il y avait un danger latent, celui de ne pas voir arriver « le cinquième monde ».

Dans les pays « civilisés » et alors en expansion, il y a eu explosion du « confort », légitime in situ mais posant problème sur deux aspects. Si le côté moral n’a pas besoin d’être développé tant il pose question, il n’en est pas de même de la partie économique.

 

Vers 1960, engagé au plan associatif dans le bidonville de Nanterre, j’ai eu le pressentiment qu’au delà de la compassion matérielle qui s’affichait de manière criante, la société s’engageait dans un choix qui négligeait la rigueur économique. Dans cette période pourtant faste, le gâchis entre investissements irresponsables et aides désordonnés faisait déjà flores. Avec l’essor des «associations commerciales» et autres organismes subventionnés sans contrôle, le danger est mortel. Une réforme profonde du contrôle au plan conceptuel est impératif.

 

Les investissements qui ont été faits dans toutes les collectivités, nationales, régionales ou locales, ont un coût d’entretien, certainement  légitime dans l’instant, mais irresponsable à terme. Le système électoral actuel ne tient pas compte, ou si peu, de la responsabilité hors mandat. Dans la période actuelle, ce concept reprend une importance vitale tant il est vrai que nombre de collectivités, dont les moindres,  vivent au delà de leurs moyens, n’ayant pas la surface financière d’entretenir de tels « investissements de confort » : piscine, tennis,… On arrive soit à des restrictions qui engendrent frustrations individuelles et gâchis collectif, soit à une augmentation obligatoire des impôts.

 

Il convient de remettre à leur juste place certaines valeurs et obligations dans le domaine distributif. Quand il le met en œuvre, le détenteur d’un capital engage sa responsabilité, non seulement financière mais aussi d’homme. Si il est dépositaire de fonds publics ou privé dont il n’est que le gestionnaire, il est responsable de ses choix et doit en rendre compte auprès qui de droit. Or le contrôle est, là aussi est défaillant….

 

Au delà de son intérêt économique salué tardivement aujourd’hui, le patron de PME est un exemple.

 

Actuellement aucun dirigeant de grande entreprise, salarié à part entière, n’a intérêt à avoir une vision de long terme et collective : il joue personnel car son avenir n’y est pas lié. Il paraît opportun de citer ici une phrase de Paul Louis Merlin, ancien PDG fondateur de Merlin Gérin, lors d’un séminaire que j’animais dans les années 66-67 à l’Institut d’Administration des Entreprises de Grenoble. Il disait qu’il y a deux entités qui sont en phase avec l’entreprise : ce sont d’une part le PDG (et ajoutait-il celui qui détient à la fois le capital et la direction car il a dans une main toute la responsabilité de l’entreprise, : le passé, le présent et l’avenir), et d’autre part le personnel car force de travail créative, ce dernier est en contrat direct avec elle et coproducteur de valeur. « Mais, méfiez-vous toujours des cadres intermédiaires, car souvent en toute bonne foi, ils mélangent l’intérêt de l’entreprise et leur vision personnelle de celui-ci ». Le dirigeant de grandes entreprises, multinationales ou autres, est désormais un « cadre intermédiaire » et il n’est pas toujours exempt de mauvaise foi.

 

Que ce soit dans le domaine politique ou économique, dans tous les rapports humains, tout responsable doit engager lors d’une décision un risque personnel et en rendre compte aux autres mandants. Prendre une décision est implicante, sinon c’est une opinion. C’est peut-être le problème de notre société que de se référer sans contrepartie aux sondages, aux mouvements d’opinion, aux lobbies au risque de mettre en péril la démocratie (de δῆμος / dêmos, peuple et κράτος / krátos, souveraineté). La pratique individuelle de la responsabilité, à chaque niveau, est la condition première pour faire vivre une vraie démocratie.

 

Un suivi des responsabilités doit être rigoureux, organisé autour de la mesure, de la délégation, de la traçabilité et des pôles d’alerte en cas de dysfonctionnement.